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Retour sur l’actualité numérique du mois de mai

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Encore plus important que la nomination d’un nouveau gouvernement, Wikimédia France et Wikimédia Bruxelles ont organisé,  le 11 mai dernier dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne (PFUE), la version européenne du Wikicheese parrainée par Henri Verdier. C’était l’occasion de familiariser les participant·e·s aux différents projets Wikimedia et d’enrichir Wikipédia de jolies photos de fromages provenant de toute l’Union européenne. Pour l’occasion, un coin exposition mettait en lumière les participants aux concours Wiki Loves Monuments et Wiki Loves Earth de chaque pays membre de l’Union européenne, avec un soutien particulier à l’Ukraine. 
Et sinon, dans un esprit moins léger, vous trouverez ici un récap’ de l’actualité numérique importante du mois de mai. 
Bonne lecture !

Table des matières

En bref dans l’actualité numérique…

Contenus haineux : Twitter se pourvoit en cassation pour ne pas révéler ses moyens de modération.

Condamné en janvier par la Cour d’appel de Paris à être plus transparent sur les moyens qu’il consacre à sa modération, Twitter a finalement choisi de se pourvoir en cassation. Le réseau social était poursuivi par l’UEJF, SOS Racisme, la Licra ou encore SOS Homophobie qui lui reprochaient de ne pas suffisamment protéger ses utilisateurs des contenus haineux présents sur la plateforme. Les juges pourront rejeter le pourvoi ou bien renvoyer l’affaire devant la cour d’appel. La décision est attendue pour mars 2023. 
La liste des signataires est disponible sur le site de la Commission européenne.

Les États-Unis et l’Union européenne ont trouvé un accord contre la désinformation.

Lors de sa première édition, le 29 septembre 2021, cette réunion entre les Etats-Unis et l’Union européenne, tenue à Pittsburgh, en Pennsylvanie, avait lancé dix groupes de travail assez vastes : du rôle des nouvelles technologies dans la lutte contre le changement climatique à la standardisation des normes régissant l’intelligence artificielle. Mais la guerre en Ukraine a réorienté les priorités de ce conseil transatlantique. La confrontation avec la Russie en est devenue la colonne vertébrale. Ainsi, un protocole de coopération pour l’intégrité de l’information en temps de crise figure dans la déclaration finale de la deuxième réunion du Conseil du commerce et des technologies.
Ce document prévoit également une collaboration approfondie dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la gouvernance d’internet, de l’impact environnemental du numérique et de la cybersécurité.

Vie politique et institutionnelle

À l’échelle française 🇫🇷

Mise en place d’un ministère du numérique : plus de 80 acteurs signent une tribune collective.

Dans un appel publié dans La Tribune, plus de 80 acteurs du secteur demandent un ministre du numérique de plein exercice, « doté de tous les moyens nécessaires à la définition et la mise en œuvre d’une stratégie ambitieuse ». Parmi les signataires, le député Philippe Latombe (Modem), le DG d’OVH, Michel Paulin, le coprésident du CNNum, Gilles Babinet, le délégué général du think tank Digital New Deal, Arno Pons, ou encore le président de Linagora, Alexandre Zapolsky.

Pourquoi cela nous intéresse ?

Les acteurs de cette tribune avaient proposé a Wikimédia France de rejoindre la liste des signataires. Et même si nous soutenons profondément la démarche, nous pensons que le numérique n’est pas une variable d’ajustement de nos politiques publiques, et qu’il devrait être intégré dans l’ensemble des politiques de l’État. Ainsi un conseiller auprès de la Première ministre, avec tous les moyens nécessaires, serait, selon l’association, plus pertinent.

Pour aller plus loin :

L’écosystème numérique salue l’ajout de la notion de « souveraineté » au portefeuille de Bruno Le Maire.

Même si un grand nombre d’acteurs de l’écosystème plaidaient pour la mise en place d’un ministre de l’économie, l’ajout de la notion « souveraineté industrielle et numérique » au portefeuille de Bruno Le Maire a été globalement salué par l’écosystème français. Le lobby des start-up France Digitale se félicite d’un « signal fort », mais espère la nomination d’un « interlocuteur dédié », sous la forme d’un secrétaire d’État. « On voulait un ministre de plein exercice, il est passé au deuxième rang du gouvernement », pose Godefroy de Bentzmann, coprésident du lobby du numérique Numeum.

Il apprécie la « proximité » que le numérique a su nouer avec Bruno Le Maire et souhaite pour remplacer l’ex-secrétaire d’État au Numérique Cédric O un « profil technique, plutôt que politique, comme ce dernier l’était ». Pour Marc Lolivier, délégué général de la Fevad, qui représente le e-commerce, « le plus important est la place qu’aura le numérique dans la future politique gouvernementale. Le fait qu’il soit directement rattaché au ministre de l’Économie et placé au niveau de l’industrie est un bon signe ». Particulièrement sensibles aux enjeux de la souveraineté numérique, les acteurs français du cloud – OVH, Scaleway et Clever Cloud en tête – saluent respectivement un « très bon signal », une « excellente nouvelle » et un « ajout judicieux ». Seul Henri d’Agrain, délégué général du Cigref, n’y voit que du négatif avec un « ministre en temps très partagé qui s’occupe du numérique uniquement sous l’angle de la souveraineté ».

L’Arcom a envoyé, aux plateformes, son questionnaire annuel sur la désinformation en ligne.

Il a pour objectifs d’accompagner les plateformes dans la préparation de leur déclaration annuelle, prévue par la loi « fake news », et d’alimenter le bilan comparé que dressera le régulateur pour l’année 2021. Quelques nouveautés a évoquer : en sus des questions génériques, le document comporte des questions spécifiques adressées à chaque plateforme. Les opérateurs sont aussi interrogés sur la mise en œuvre de la loi depuis son entrée en vigueur. Enfin, deux petits nouveaux, TikTok et Pinterest, intègrent la liste des acteurs concernés (pour rappel, le seuil est fixé par décret, à cinq millions de visiteurs uniques par mois). Les plateformes ont jusqu’au 24 juin 2022 pour adresser leur déclaration, qui sera mise en ligne début juillet.

Pourquoi cela nous intéresse ?

La Wikipédia en français comptant près de 30 millions de visiteurs uniques par mois, la Fondation Wikimedia, responsable légal et hébergeur de l’encyclopédie, fait partie des plateformes visées par le questionnaire. Wikimédia France suit de près ce genre de sujet, et participe, à titre d’intermédiaire français du mouvement, à de nombreuses réunions avec le régulateur sur ces questions. 

La Cnil se prépare à un « bouleversement » de la régulation européenne du numérique.

Lors de la présentation du rapport annuel du régulateur, le 11 mai dernier, sa présidente, Marie-Laure Denis a affirmé que « la perspective de l’adoption de nouveaux textes (Data Governance Act, Data Act, Digital Markets Act, Digital Services Act, règlement IA, règlement e-Privacy) pourrait aboutir à confier à la Cnil de nouvelles missions pour le contrôle des mesures mises en œuvre ». Elle a mis en garde sur l’enjeu de gouvernance qui accompagne ces nouvelles législations : « qui contrôle l’application de ces dispositions ? Nous avons besoin de davantage de précisions. » Elle a également interrogé la cohérence de ces textes avec le droit existant de la protection des données. Pour y faire face, la Cnil compte « [renforcer ses] liens avec les autres AAI, en particulier avec l’Autorité de la concurrence et l’Arcom » en 2022. Des recrutements sont également prévus : le régulateur comptera 270 agents fin 2022, contre 245 fin 2021. « Nous restons très petits par rapport à certains de nos homologues européens », regrette Marie-Laure Denis, pour qui il y a une « vraie nécessité de conforter l’action de la Cnil », dont le budget 2021 était de 21,8 millions d’euros. « Les amendes de la Cnil n’alimentent pas son budget. C’est une idée à creuser », a-t-elle ironisé – la Cnil a infligé 214 millions d’euros d’amendes en 2021. Une urgence exacerbée par la mise en œuvre de la procédure simplifiée, qui va « certainement » mener à plus de sanctions.

Pourquoi cela nous intéresse ?

Dans la perspective de l’adoption de nouveaux textes européens, Wikimédia France et d’autres acteurs de l’écosystème numérique se pose les mêmes questions que la CNIL, et notamment sur l’imbrication de la gouvernance entre les différentes institutions françaises. Les petites structures ont de fait et par manque de moyens humains, plus de mal à suivre de manière approfondie la multiplication des textes réglementaires, qu’ils soient européens ou français. Le contrôle de l’application de ces textes est un point fondamental qui, pour l’instant, reste très flou.

À l’échelle européenne 🇪🇺 

Focus sur le règlement sur l’intelligence artificielle (IA)

Règlement IA : Le collectif Reclaim Your Face demande aux eurodéputés une interdiction stricte de l’identification biométrique.

Les 53 organisations membres de la campagne Reclaim Your Face – dont European Digital Rights (Edri) et Wikimédia France – ont écrit, mardi 10 mai, aux eurodéputés pour leur demander d’interdire, dans leur rapport sur l’Acte pour l’IA, toute utilisation à distance de l’identification biométrique dans les espaces publics. Cette question n’a pas encore été tranchée par les co-rapporteurs. L’article 5.1.d du texte initial interdit certaines utilisations de l’identification biométrique, mais les organisations signataires jugent son champ d’application trop étroit et les exceptions trop nombreuses. Elles réclament que l’interdiction soit étendue à tous les acteurs privés et publics et que les exceptions non conformes aux normes européennes en matière de droits fondamentaux soient supprimées. Le sujet a été abordé mardi 10 mai au Parlement, à l’occasion d’une audition organisée par la sous-commission « droits de l’homme » . Les eurodéputés ont désormais jusqu’au 1er juin pour déposer des amendements sur le texte.
Pourquoi cela nous intéresse ? 
 
Wikimédia France faisant partie du collectif Reclaim Your Face, l’association a participé à la rédaction de cette lettre et à la mise en place de la campagne de plaidoyer sur la question. Après plusieurs rendez-vous avec des eurodéputés, ces derniers nous ont partagé leur souhait d’amender le texte en interdisant l’utilisation de la surveillance généralisée dans les lieux publics. 
 

Les Cnil européennes réaffirment leur opposition à la reconnaissance faciale.

Le Comité européen de la protection des données (EDPB, en anglais) a adopté, le 17 mai dernier, des lignes directrices sur l’utilisation de cet outil par les forces de l’ordre. l’EDPB souligne que les outils de reconnaissance faciale ne devraient être utilisés que dans le strict respect de la directive Police-Justice. En outre, ces outils ne devraient être utilisés que s’ils sont nécessaires et proportionnés, comme le prévoit la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. De plus, l’EDPB s’oppose aux techniques d’aspiration massive de données publiquement accessibles. Il comprend cependant « le besoin pour les forces de l’ordre de bénéficier des meilleurs outils possibles pour identifier rapidement des auteurs d’actes terroristes » et rappelle qu’ils ne doivent pas être utilisés hors du cadre de la loi, seulement quand cela est nécessaire, et de façon proportionnée. Les Cnil européennes ont également adopté des lignes directrices sur le montant des amendes qu’elles peuvent infliger dans le cadre du règlement général sur la protection des données (RGPD). Elles sont soumises à consultation publique jusqu’au 27 juin.

Pourquoi cela nous intéresse ? 
 
Wikimédia France s’intéressant aux sujets de reconnaissance faciale et de surveillance biométrique à travers la coalition Reclaim your face, l’avis des autorités indépendantes françaises et européennes directement liées à ce sujet est particulièrement intéressant, notamment quand ce dernier va dans le sens de ce que pointe la coalition auprès des eurodéputés. 
 

Focus sur le Digital Services Act (DSA)

[Document Contexte] Les dernières négociations sur le DSA sont (quasi) terminées.

Contexte publie le document « quatre colonnes » donnant la version du texte issue des dernières semaines de négociations techniques, après l’accord politique du 23 avril. Les négociateurs se sont accordés sur les formulations pour plusieurs grands compromis, dont l’interdiction des interfaces trompeuses (« dark patterns ») et celle de la publicité ciblée pour les mineurs ou fondée sur des données sensibles. Cette version inclut la définition des moteurs de recherche proposée par le Conseil. Comme attendu, ils ne sont pas inclus dans une catégorie particulière d’intermédiaires, mais peuvent être désignés comme de très grandes plateformes. Sur le retrait et le signalement de contenus, les législateurs ont supprimé la mention que la connaissance d’un contenu illicite ne peut être déclarée qu’après l’examen de l’hébergeur. Ce fonctionnement devient tacite. « La connaissance effective d’un contenu illicite n’est déclenchée que si le signalement ne nécessite pas un examen juridique approfondi. Mais il est impossible de le dire sans lire ce signalement », détaille une source européenne. Un point sensible reste ouvert : la mention du besoin de préserver la liberté d’établissement pour les opérateurs des jeux d’argent et de paris, dans le cadre des injonctions d’autorités nationales, proposée par le Conseil. L’adoption de l’accord en commission Marché intérieur (Imco) est toujours espérée pour juin, et le passage en plénière en juillet, en parallèle du DMA.
Pourquoi cela nous intéresse ? 
 
Si vous êtes des farouches lecteurs et lectrices de cette veille mensuelle, vous savez que l’association a initié, avec nos collègues présents à Bruxelles, des campagnes de plaidoyer sur le DSA, avec notamment un objectif principal : faire en sorte que les plateformes qui modèrent les contenus d’une manière décentralisée et grâce à ses communautés soient différenciées du modèle des Big Techs. Aujourd’hui, Wikimédia France et le mouvement dans sa globalité accueille plutôt favorablement les derniers accords sur le texte. 
 

Pour aller plus loin :

[Document Contexte] Le DMA en route vers la plénière du Parlement européen.

La commission Marché intérieur (Imco) a validé la version finale du Digital Markets Act, lundi 16 mai, à 43 voix contre une, et une abstention. Le règlement se dirige vers la plénière, attendue courant juin, possiblement avec un vote simultané sur le Digital Services Act (DSA).

Pourquoi cela nous intéresse ? 
 
Même si Wikimédia France s’est plus mobilisée sur le DSA, l’association française ainsi que d’autres entités du mouvement ont plaidé pour que la France, dans le cadre de la Présidence française de l’Union (PFUE) soutienne des mesures d’interopérabilité solides et pratiques, qui donneraient aux citoyens une plus grande souveraineté numérique. 
 

Mouvements et nominations

Alban Schmutz quitte OVH et Cispe Cloud.

Le responsable des dossiers bruxellois pour le fournisseur français de cloud et président du lobby ne travaille plus ni pour l’un ni pour l’autre depuis début avril. À son arrivée en 2012, il a monté les affaires publiques de l’entreprise à l’occasion de l’épisode du « cloud souverain » monté par Orange et SFR, avant de s’impliquer dans les dossiers bruxellois, et dernièrement dans le pacte européen pour le verdissement du secteur et les dossiers de concurrence, dont le DMA. 

Il quitte ses fonctions pour se consacrer à sa famille, selon l’entreprise. Cette dernière, renforce en parallèle ses affaires publiques, avec de nouveaux recrutements attendus dans les prochains mois. Raphaël Daniel prend le relais sur les dossiers bruxellois, et Anne Duboscq, directrice des affaires publiques d’OVH, le remplace au conseil d’administration de Cispe, dont Stefano Cecconi (Aruba) devient président.

Liza Bellulo prend la tête de la Fédération française des télécoms.

La secrétaire générale de Bouygues Telecom succède à Arthur Dreyfuss, le directeur général d’Altice média France, qui redevient vice-président de la Fédération Française des Télécoms aux côtés de Nicolas Guérin. Cette énarque a été cheffe du service juridique du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) de 2014 à 2017 et directrice de cabinet du président de l’Autorité de la concurrence Bruno Lasserre entre 2009 et 2014.

Lenaïg Catz rejoint la Direction générale des entreprises.

Elle est nommée directrice de projet couverture numérique et fréquences à la DGE, à Bercy, selon le Bulletin quotidien. Lenaïg Catz était jusqu’à présent cheffe de l’unité régulations des marchés mobiles de l’Arcep.

David Wheeldon nommé directeur des affaires publiques au sein de YouTube.

Jusqu’alors directeur affaires publiques du groupe audiovisuel Sky (depuis 2015), David Wheeldon est nommé ce mois-ci en tant que directeur des affaires publiques de YouTube. Il succède à l’Italien Marco Pancini, présent au sein de Google depuis quinze ans, chargé de la « vie privée », et qui a rejoint Meta en avril.

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Crédits images

veille numérique mai 2022
Sarah Krichen; CC BY-SA 4.0
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Wikimédia France
Claude Truong-Ngoc, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
EU2017EE Estonian Presidency, CC BY 2.0
Virgile37, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Web Summit, CC BY 2.0 , via Wikimedia Commons
Wikinade, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
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