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Wikimédia France rejoint la coalition Tracking-Free Ads contre les publicités ciblées en ligne

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Un ciblage publicitaire très controversé

Depuis l’entrée en application du règlement général sur la protection des données (RGPD), le ciblage publicitaire a été au cœur de nombreuses plaintes déposées auprès de différentes autorités de protection des données européennes, dont la CNIL. La Quadrature du Net mais également d’autres organisations telles que NOYB (« None of your business »), Privacy International ainsi que des particuliers, ont déposé des plaintes qui portent notamment sur le manque de contrôle offert aux internautes sur la collecte de données depuis leurs appareils connectés. Pas plus tard qu’il y a quelques semaines, la CNIL a mis en demeure une vingtaine d’acteurs privés et publics qui ne respectaient pas les règles sur les cookies publicitaires en ligne. Selon le gendarme français des données personnelles, refuser ces cookies devrait être aussi simple que de les accepter…

En effet, l’industrie de la publicité ciblée veut faire croire aujourd’hui aux internautes qu’il est nécessaire d’espionner l’ensemble de la population pour que la publicité en ligne puisse financer le web tel que nous le connaissons. La vérité est qu’Internet et bon nombre des éléments qui le rendent formidable (comme le contenu en ligne librement accessible) existaient bien avant que les publicités ne contiennent des traqueurs de données invasifs.

Les publicités ciblées nuisent au journalisme

Alors que les revenus publicitaires mondiaux de certaines plateformes en ligne dépassent désormais les 200 milliards de dollars US par an, les revenus publicitaires des éditeurs de presse ont chuté de façon spectaculaire au cours des deux dernières décennies ; entre 2005 et 2018, les agences de presse ont vu leurs revenus publicitaires chuter de 70 %. La raison n’est pas qu’il y a moins d’annonces en ligne ; au contraire, la publicité numérique est plus que jamais en plein essor. La baisse des revenus publicitaires des éditeurs est dans une large mesure causée par leur incroyable dépendance à l’égard de l’industrie de la publicité de suivi.

Dans le passé, les éditeurs de nouvelles vendaient des espaces publicitaires dans leurs journaux et sur leurs sites Web. L’espace publicitaire était précieux car il offrait un accès unique au public du journal. Aucun suivi et profilage invasifs de leurs lecteurs était nécessaire.

Avec le suivi des publicités, les entreprises technologiques et les courtiers en données se sont imposés comme de puissants intermédiaires entre les annonceurs et les éditeurs, absorbant une grande partie de chaque euro investi dans les publicités. Le Guardian a découvert que dans certains cas, 50 à 70 % des revenus publicitaires sont perdus pour ces intermédiaires.

Comme le dit très justement Alan Ouakrat, maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication (Paris-III), « les annonceurs sont souvent décrits par les éditeurs comme leurs « partenaires ». En réalité, il y a des intérêts divergents dans cette relation. En effet, les annonceurs souhaitent payer le moins cher possible et obtenir un maximum de garanties sur la rentabilité de leurs investissements publicitaires, tandis que les éditeurs aimeraient vendre leurs espaces publicitaires le plus cher possible et se passer au maximum des intermédiaires techniques par où s’évapore une grande partie de la valeur de la publicité en ligne ». Le modèle existant aujourd’hui n’est donc pas viable, à terme, pour les éditeurs de presse…

Les publicités ciblées nuisent à la qualité de l’information en ligne et donc aux internautes

Ces publicités ciblées permettent le financement et la diffusion ciblée de désinformation et d’autres contenus en ligne nuisibles. Cela est possible car le suivi des réseaux publicitaires qui fournissent la technologie permettant aux annonceurs d’enchérir sur l’espace publicitaire le moins cher, autorisent souvent les enchères pour les sites Web qui distribuent un contenu aussi nuisible.

Lors des élections présidentielles de 2016 aux États-Unis, par exemple, un nouveau modèle commercial lucratif en Macédoine du Nord consistait à créer de faux sites Web d’information diffusant des mensonges mêlés à des demi-vérités et à un contenu politique controversé sur les élections. Le réseau d’annonces de suivi de Google « AdSense » et les algorithmes de contenu de Facebook ont ​​permis aux auteurs de gagner des centaines de milliers de dollars en colportant du contenu préjudiciable sur des dizaines de sites « d’actualités » extrêmement populaires.

En 2016, Facebook a admis qu’il autorisait les annonceurs à exclure les utilisateurs en fonction de leur race, une pratique probablement illégale en vertu des lois anti-discrimination. Un an plus tard, des chercheurs ont découvert que Facebook autorisait à cibler le contenu payant sur les utilisateurs qui ont exprimé leur intérêt pour les sujets « Détestant les Juifs », « Comment brûler les Juifs » ou « Pourquoi les Juifs ruinent le monde », outil pour ceux qui ont de l’argent pour diffuser des messages antisémites. Enfin, en avril 2021, Facebook a été surpris en train de permettre aux annonceurs de cibler les enfants qui étaient présentés comme étant intéressés par le tabagisme, l’alcool et la perte de poids.

La possibilité de cibler des individus ou des groupes spécifiques d’utilisateurs avec des messages personnalisés en fonction de leurs informations privées intimes (comme la race, l’âge, les données de santé, l’affiliation religieuse ou politique) est un outil dangereusement puissant pour ceux qui peuvent payer des plateformes pour les diffuser. En effet, cela ne veut pas dire que les gens ne devraient pas être en mesure de diffuser des messages, mais qu’ils ne devraient pas être autorisés à utiliser les données personnelles des personnes pour le faire. Cette technique permet donc de manipuler l’information en fonction d’un public ciblé, nuisant ainsi à la bonne information de l’internaute en ligne. Nous avons déjà vu par le passé les conséquences terribles que ce genre de technique pouvaient engendrer…

C’est pourquoi la Tracking-Free Ads Coalition s’engage à mettre fin aux publicités en ligne invasives grâce à une réforme législative audacieuse et que Wikimédia France a décidé d’y prendre part.

A propos de la Tracking-Free Ads Coalition

La Tracking-Free Ads Coalition est un groupe de membres du Parlement européen dont le groupe de défense international, European Digital Rights (EDRi), a facilité la mise en place pour assurer un soutien fort au Parlement européen afin de réglementer cette publicité basée sur la surveillance. A date, la Coalition rassemble 19 députés européens de 4 groupes politiques différents (S&D, Renew, Verts et GUE).

Cet article est traduit en grande partie de l’article « The costs of tracking ads » publié sur le site de la Tracking-Free Ads Coalition.

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