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L’ossuaire de Douaumont, lauréat de Wiki Loves Monuments, retiré de Wikimedia Commons

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Vue sur le cimetière qui se trouve face à l’ossuaire
(Hans A. Rosbach, CC-By-SA 3.0)

À la veille des célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale, le droit d’auteur s’invite dans la discussion.

Un passé commun à mettre en valeur

L’ossuaire de Douaumont est un monument symbolisant un événement extrêmement fort de l’histoire de la Première Guerre mondiale. Dans ce sanctuaire reposent les corps de plus de 130 000 soldats de toutes nationalités, ayant péri lors de la bataille de Verdun. Inauguré le 17 septembre 1927, le bâtiment créé par Léon Azéma, Max Edrei et Jacques Hardy est une vaste structure de béton surmontée d’une tour monumentale.

Cette nécropole avait fait l’objet d’une mise en lumière en 2011 : une photographie avait en effet frappé le jury du concours Wiki Loves Monuments, présidé par Yann Arthus-Bertrand. Elle avait été une des dix lauréates du concours français, puis avait été plébiscitée par le jury européen qui la classait dixième du concours international. Un cliché d’une qualité exceptionnelle était donc librement mis à disposition de tous, à la fois pour ses qualités esthétiques et en tant que document de mémoire.

Le droit d’auteur contre la mémoire ?

Malheureusement, cette image, ainsi que ses semblables, n’est plus disponible à cette heure sur Wikimedia Commons. En cause : le droit d’auteur français qui stipule que les droits de l’auteur d’une œuvre s’éteignent 70 ans après la mort de ce dernier. Les architectes de ce monument n’entrant pas dans cette catégorie puisque décédés dans le courant des années 1970. Les wikimédiens avaient d’abord estimé que l’ossuaire était suffisamment accessoire sur l’image pour que cette dernière puisse être conservée (exception “de minimis”, confirmée par une consultation communautaire lors du concours). En seconde analyse, ils en ont décidé autrement.

Les projets Wikimédia proposent en effet des ressources libres et autant que possible garanties comme telles. Il n’est pas possible de faire prendre des risques aux éventuels réutilisateurs de ces clichés en acceptant des photos sur lesquelles des tiers pourraient revendiquer des droits d’auteur. La réutilisation constituerait en effet alors une contrefaçon, ce qui est puni d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison. Dans le doute, le cliché est donc supprimé. Wikimedia Commons conserve tout de même une copie d’archive, qui sera remise en ligne lorsque les droits d’auteur auront expiré, en 2049.

Une solution pour en sortir par le haut

Cet enjeu a été traité dans la plupart des pays européens par une exception au droit d’auteur appelée « liberté de panorama ». Cette dernière stipule qu’une œuvre de l’esprit (bâtiment d’architecte, sculpture…) présente de manière permanente dans l’espace public n’est pas soumise au droit d’auteur. C’est pourquoi il est légal de publier sur Internet un bâtiment contemporain qui se trouve en Angleterre, aux États-Unis ou en Chine… mais pas en France, un des rares pays européens qui a refusé d’intégrer cette exception dans sa législation, bien qu’elle ait été proposée aux États dans la directive européenne de 2001.

Hormis une photographie tolérée sur Wikipédia, dont la légalité n’est pas clairement établie, il n’existe plus de photos de ce lieu chargé d’histoire sur les projets Wikimédia. À la veille de la commémoration de cet événement majeur de l’Histoire du monde, Wikimédia France s’étonne de l’absence de réflexion autour du droit d’auteur portant sur les bâtiments publics faisant partie du patrimoine. D’autant plus dans un cas où les auteurs, morts depuis plus de 30 ans, n’ont certainement pas réalisé cette œuvre pour en toucher les droits d’exploitation mais simplement pour rendre hommage à tous ces hommes et rappeler sur quoi peut déboucher la folie humaine.

Article rédigé de manière collaborative par des membres de Wikimédia France.

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