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Loi « séparatisme » : nos arguments au Conseil constitutionnel

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Le 13 août prochain, le Conseil constitutionnel rendra sa décision sur la loi « Respect des principes de la République ». Nous lui avons envoyé hier nos arguments.

En juin dernier, nous avons rappelé dans notre article « Loi séparatisme : que vient faire Wikipédia dans cette histoire de modération des réseaux sociaux ? » à quel point il était absurde que la plus grande encyclopédie collaborative se retrouve régulée aux côtés de géants du web comme Facebook et Twitter. Si nous ne perdons pas de vue un des buts premiers de ce projet de loi qui est la lutte contre la désinformation et les contenus haineux en ligne, les plateformes vertueuses comme Wikipédia ne doivent pas subir de dégâts collatéraux.

Après sept mois d’allers et retours entre l’Assemblée nationale et le Sénat, le controversé texte de loi « Respect des principes de la République » a été validé, le tout dans un inquiétant silence politique et médiatique en raison des nombreux débats autour du projet de loi sanitaire. Elle a été définitivement adoptée par l’Assemblée nationale ce vendredi 23 juillet.

C’est maintenant au tour du Conseil constitutionnel de prendre la main. Nous lui avons donc adressé ce matin une contribution extérieure ( dite « porte étroite ») afin de faire entendre nos arguments et de porter la voix des plateformes numériques communautaires à but non lucratif. Le texte de cette contribution est disponible ici – vous retrouverez ci-dessous nos principaux arguments.

Par rapport aux nouvelles obligations qui pèseraient sur Wikipédia

Tel quil est actuellement défini dans la loi séparatisme, son champ dapplication englobe, audelà des plateformes géantes à but lucratif, des sites web dépourvus de tout but lucratif, à l’instar de Wikipédia. Or, le modèle de modération de l’encyclopédie, reposant sur une communauté de bénévoles très mobilisés, a su démontrer son efficacité pour lutter contre la diffusion des contenus haineux. Toutefois, dépourvu de tout modérateur professionnel, Wikipédia sera difficilement capable de respecter l’ensemble des nouvelles obligations fixées par le texte de loi et encourra ainsi potentiellement des sanctions massives (jusqu’à 20 millions d’euros ou 6 % du chiffre d’affaires annuel, le montant le plus élevé étant retenu).

Par conséquent, dès lors qu’il risque de peser de manière très significative sur des plateformes, telles que Wikipédia, et alors que son objet principal est de lutter contre la diffusion d’infox ou de contenus à caractère haineux sur des plateformes lucratives, le dispositif contesté est radicalement inadapté et manifestement disproportionné au regard de l’objectif poursuivi par le législateur.

Une porte de sortie possible ?

Il était pourtant aisément possible d’atteindre l’objectif poursuivi tout en préservant le modèle vertueux d’acteurs comme Wikipédia. D’autres textes l’ont bien montré. Par exemple, la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins a retenu une approche plus nuancée. Le paragraphe 6 de son article 2 exclut ainsi expressément « les prestataires de services tels que les encyclopédies en ligne à but non lucratif, les répertoires éducatifs et scientifiques à but non lucratif, les plateformes de développement et de partage de logiciels libres » du champ d’application de la notion de fournisseur de services de partage de contenus en ligne, auquel s’appliquent des obligations spécifiques.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) s’est également prononcée en faveur d’une telle différenciation, distinguant les plateformes à but non lucratif, « dont le modèle ne repose pas sur la viralité des contenus », du « modèle économique de certains réseaux sociaux qui peut contribuer à la propagation massive des contenus haineux, dès lors que ceuxci suscitent une forte audience et génèrent ainsi des revenus importants pour la plateforme. » Plus encore, la CNCDH a souligné les risques inhérents à l’amalgame entre les plateformes à but lucratif, d’une part, et celles à but non lucratif, d’autre part, en relevant que « les obligations très lourdes imposées aux plateformes pour la modération, en particulier en termes de ressources humaines, risquent de renforcer la position dominante des très gros acteurs, seuls en capacité de les mettre en place, au détriment de nouvelles plateformes émergentes ou d’acteurs à but non lucratif, et par là d’entraver la liberté d’entreprendre. »

Un texte plus que paradoxal

Alors que Wikipédia constitue « le bon élève » en matière de modération en ligne et pourrait ainsi utilement servir de modèle de référence aux autres grandes plateformes, l’article 42 de la loi sur le « Respect des principes de la République » cherche à lui imposer des règles forgées pour les réseaux sociaux et manifestement inadaptées à une telle encyclopédie, dont la modération repose sur l’implication et la collaboration des bénévoles. Wikimédia France demande donc que le Conseil constitutionnel déclare l’article 42 de la loi « confortant le respect des principes de la République » contraire à la Constitution.

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