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Wikimedia v. NSA : la Wikimedia Foundation assigne en justice la NSA à propos de la surveillance amont

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La Justice préside avec sa balance et son épée à Francfort-sur-le-Main.  Photo par Roland Meinecke, sous licence Art Libre.
La Justice préside avec sa balance et son épée à Francfort-sur-le-Main.
Photo par Roland Meinecke, sous licence Art Libre.

Cette annonce a été postée sur le blog de la Wikimedia Foundation le mardi 10 mars 2015. Il s’agit ci-dessous d’une traduction en français de cette annonce.


Aujourd’hui, la Wikimedia Foundation dépose une action en justice contre la National Security Agency (NSA) et le Département de la Justice des États-Unis (DOJ) des États-Unis. [1] L’action en justice se focalise sur le programme de surveillance de masse et plus spécifiquement sur la recherche et interception à grande échelle des communications internet — fréquemment appelée surveillance amont (“upstream”). Notre but, dans cette action, est de mettre fin à ce programme de surveillance de masse afin de protéger les droits de nos utilisateurs du monde entier. Nous avons été rejoints par huit autres organisations [2] et représentés par l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU). (Nous mettrons à jour ce billet avec la plainte finale une fois qu’elle sera déposée.)

La vie privée est le fondement de la liberté individuelle. C’est un droit universel qui permet les libertés d’expression et d’association. Ces principes permettent de questionner, de dialoguer et de créer, et sont essentiels dans la vision que nous portons de permettre à tout un chacun de partager l’ensemble de la connaissance humaine. Quand celles-ci sont en danger, notre mission est menacée. Si l’on est contrraint de vérifier derrière soi avant de chercher quelque chose, de s’arrêter avant de contribuer à un article controversé, ou de se retenir de partager des informations vérifiables mais impopulaires, Wikimedia et le monde s’en appauvrissent.

Lors des divulgations publiques de 2013 sur les activités de la NSA et des révélations liées à l’étendue de ses programmes, la communauté Wikimedia fut à juste titre alarmée. En 2014, la Wikimedia Foundation a entamé des discussions avec l’ACLU sur la possibilité de poursuivre la NSA et d’autres, au nom de la Fondation, de ses personnels et utilisateurs.

Notre affaire aujourd’hui remet en cause l’utilisation par la NSA de la surveillance de masse conduite sur l’autorité du Foreign Intelligence Surveillance Act Amendments Act (FAA). La surveillance amont utilise les « dorsales » Internet pour capturer les communications avec les « personnes non-américaines ». Le FAA autorise la collecte de ces communications si elles tombent sous le coup de la large catégorie de « l’information sur le renseignement étranger » qui comprend presque toute information qui peut être interprétée comme étant en rapport avec la sécurité nationale ou les affaires extérieures. Le programme surveille un important réseau, et en conséquence capture des communications qui ne sont pas liées à une quelconque « cible » et peuvent être simplement nationales. Ceci comprend les communications par nos utilisateurs et personnels.

« En s’introduisant dans les dorsales de l’Internet, la NSA froisse le cœur de la démocratie » dit Lila Tretikov, directrice exécutive de la Wikimedia Foundation. « Wikipédia est basée sur les libertés d’expression, d’interrogation et d’information. En violant la vie privée de nos utilisateurs, la NSA menace la liberté intellectuelle qui est centrale dans la capacité des personnes à créer et comprendre la connaissance. »

La NSA a interprété le FAA comme lui laissant le champ libre pour définir les menaces, identifier les cibles et surveiller les personnes, les plates-formes et l’infrastructure avec un faible regard sur les causes probables ou sur la proportion à garder. Nous pensons que les pratiques actuelles de la NSA excèdent de loin l’autorité déjà large qui lui est donnée par le Congrès américain au travers du FAA. De plus, nous pensons que ces pratiques violent le premier amendement de la Constitution des États-Unis qui protège les libertés d’expression et d’association, ainsi que le quatrième amendement qui protège contre des recherches et saisies irraisonnables.

De plus, nous pensons que les pratiques de la NSA et la surveillance judiciaire négligeable de ces pratiques violent l’article III de la Constitution des États-Unis. Une cour spéciale, la Foreign Intelligence Surveillance Court (FISC), reçoit des causes relatives aux requêtes de services de renseignement étrangers, y compris de surveillance. En droit américain, le rôle des cours est de résoudre des « affaires» ou des « controverses » — pas d’émettre des opinions-conseils ou d’interpréter des situations théoriques. Dans le cadre de la surveillance amont, les procédures de la FISC ne sont pas des « affaires ». En effet, il n’y a aucune partie en opposition, ni de controverse en jeu. La FISC ne fait que passer en revue la légalité des procédures proposées par le gouvernement — le type d’opinions-conseils que l’article III visait à limiter.

En 2013, la Cour suprême des États-Unis a rendu publique une affaire de la FAA Amnesty v. Clapper dont les parties se sont retrouvées sans « intérêt à agir ». L’intérêt à agir est un concept juridique important qui demande à une partie de montrer qu’elle a souffert d’une quelconque façon de sorte à entamer des actions en justice. Les divulgations sur la surveillance de masse de 2013 incluaient une diapositive vers une présentation classifiée de la NSA faisant explicitement référence à Wikipédia, et utilisant notre marque mondiale. Puisque ces divulgations ont révélé que le gouvernement ciblait spécifiquement Wikipédia et ses utilisateurs, nous pensons que nous avons là une preuve plus que suffisante pour justifier cet “intérêt à agir”.

Wikipédia est la plus grande ressource de connaissance libre et collaborative de l’histoire humaine. Elle représente ce que nous pouvons atteindre lorsqu’on est ouvert aux possibilités et non-contraints par la peur. Au cours des quatorze années passées, les Wikimédiens ont écrit plus de 34 millions d’articles dans 288 langues différentes. Tous les mois, près d’un demi-milliard de personnes accèdent à cette connaissance depuis quasiment chaque pays du monde. Cette communauté mondiale et engagée d’utilisateurs est unie autour de sa passion pour la connaissance, sa soif de questionnements et son engagement au respect de la vie privée et de la liberté d’expression qui rendent Wikipédia possible. Nous déposons cette action en justice aujourd’hui en leur nom.

Pour plus d’informations, vous pouvez lire notre article d’opinion en anglais, Arrêtez d’espionner les utilisateurs de Wikipédia, par le fondateur de Wikipédia Jimmy Wales et la directrice exécutive de la Wikimedia Foundation Lila Tretikov, dans l’édition du 10 mars du New York Times. [3]

Michelle Paulson, conseillère juridique senior, Wikimedia Foundation *
Geoff Brigham, Conseiller général, Wikimedia Foundation

* La Wikimedia Foundation et ses co-plaignants sont représentés par l’ (ACLU) dans cette action en justice. Nous aimerions les remercier, et en particulier Patrick Toomey, Ashley Gorski et Daniel Kahn Gillmor pour leur travail et leur engagement dans cette affaire.

Références

  1. [1] Les autres inculpés sont : Michael S. Rogers, dans sa fonction officielle de directeur de la National Security Agency et Chef du Central Security Service ; l’Office du directeur du renseignement national ; James Clapper, dans sa fonction officielle de Directeur du renseignement national ; et Eric Holder dans sa fonction officielle de procureur général des États-Unis.
  2. [2] Aujourd’hui, nous sommes fiers de soumettre cette action en justice en étant accompagnés d’une coalition d’organisations venant d’un large spectre idéologique, dont The National Association of Criminal Defense Lawyers, Human Rights Watch, Amnesty International USA, Pen American Center, Global Fund for Women, The Nation Magazine, The Rutherford Institute et Washington Office on Latin America. Nous pensons que la large étendue des perspectives représentée dans cette action en justice démontre que la protection de la vie privée et de la liberté d’expression et d’association n’est pas définie par une idéologie ou des idées partisanes.
  3. [3] Pour en savoir plus sur notre opposition à la surveillance de masse du gouvernement, vous pouvez lire notre précédents billets de blog sur PRISM, l’opposition à la surveillance de masse de l’internet et la transparence dans l’utilisation de la surveillance.

Vous pourrez trouver plus d’informations dans ces questions couramment posées, sur Wikimedia.org. Le document de l’action en justice déposée est disponible au bout de ce lien.

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