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Quand un article Wikipédia rentre au musée

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L’année 2015 marque le 800e anniversaire de la Magna Carta Libertatum. Aussi appelé la “Grande Charte des Libertés d’Angleterre“, ce manuscrit de soixante-trois articles garantit, dès le XIIIe siècle, le droit à la liberté individuelle, en limitant l’arbitraire royal et en établissant l’habeas corpus qui empêche, entre autres, l’emprisonnement arbitraire. La Magna Carta est considérée comme “la plus ancienne manifestation […] d’un long processus historique qui a conduit aux règles de légalité constitutionnelle dans les pays anglo-saxons”[1]. A l’occasion de cet anniversaire, la Ruskin School of Art de l’Université d’Oxford et la British Library ont sollicité Cornelia Parker pour imaginer une œuvre réinterprétant ce document fondateur.

L’extrémité supérieure de la tapisserie (photo : British Library, CC BY-SA, via Wikimedia Commons)

Cette artiste anglaise a eu l’idée un peu folle de reproduire en tapisserie la page Wikipédia dédiée à la Magna Carta, à la date de son 799e anniversaire. Pour réaliser ce minutieux et long travail, Cornelia Parker s’est entourée de plus de 200 personnes. L’artiste a ainsi dispersé les 87 fragments de la reproduction de 13 mètres de long de la page Wikipédia au quatre coins du globe, chacun des participants brodant alors un mot, une photographie, un logo, ou une phrase. A l’image de la diversité des contributeurs de Wikipédia, l’artiste a “recruté” ses brodeuses et brodeurs dans des univers très différents : ils sont écrivains, hommes et femmes politiques, musiciens, militants, etc. Mais surtout, la majeure partie de l’œuvre a été brodée par 36 prisonniers, purgeant des longues peines dans 13 établissements différents. Les prisonniers n’étant pas généralement autorisés à accéder à Internet, pour certains d’entre eux, “Magna Carta” était le premier article Wikipédia qu’ils lisaient. Finalement, très peu des participants sont des brodeurs professionnels : quelques membres de l’Embroiderers’ Guild et de la Royal School of Needlework ont œuvré sur les parties les plus délicates (photographies, reproductions, logos). Cornelia Parker a souhaité montrer, au travers de cette diversité, la portée de la Magna Carta et de Wikipédia. Au milieu de tous ces anonymes, certaines personnalités ont elles aussi apporté leur contribution : par exemple, Edward Snowden s’est chargé du mot “liberty”, Julian Assange a brodé “freedom” et Jimmy Wales s’est attelé à “user’s manual”. Quant au journaliste Alan Rusbridger, il a taché le tissu avec son sang en brodant les mots “contemporary political relevance” ‘(“pertinence politique contemporaine”).

Détail de la réintréprétation brodée de la version de 1225, par Ann Carrick et Elaine Dunn (photo : British Library, CC BY-SA, via Wikimedia Commons)
Pourquoi choisir de figer dans une tapisserie des contenus, qui, par essence, sont en perpétuelle évolution ? Cornelia Parker ne souhaite t-elle pas ici nous interroger sur l’héritage que nous laisserons à nos descendants ? Que retiendront-ils des années 2000, dans 10, 50 ou 800 ans ? L’artiste dira de cette œuvre :
J’ai aimé cette idée de saisir un instant et de l’immortaliser. Wikipédia est comme une tapisserie. C’est très subjectif et démocratique, avec de nombreux contributeurs. Tout le monde peut participer.[2]
L'”original” et sa “copie” (photo : British Library, CC BY-SA, via Wikimedia Commons)

La tapisserie sera exposée à la British Library à partir du 15 juin dans le cadre de l’exposition dédiée au 800e anniversaire du manuscrit original, et ce, jusqu’à la fin du mois de juillet. Ceux qui ne peuvent pas se déplacer pour l’admirer pourront profiter d’une numérisation intégrale en haute définition réalisée par la British Library et mise en ligne sur Wikimedia Commons, sous licence Creative Commons[3]. Et pour ceux qui voudraient poser leur pierre à l’édifice, l’article Wikipédia au sujet de l’œuvre[4] n’a pas été encore traduit en français !

[1] Article “Magna Carta“, Wikipédia.
[2] Zoe Craig, “Someone’s Embroidered Magna Carta’s Wikipedia Page“, Londonist, 16 mai 2015.
[3] Reproduction intégrale de “Magna Carta (An Embroidery)” par la Britsih Library (CC BY-SA, via Wikimedia Commons).
[4] Article “Magna Carta (An Embroidery)“, Wikipédia.

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