Accueil / Focus sur / La documentation et Vikidia

La documentation et Vikidia

Posted on

Il y a maintenant plus de 80 ans, alors que l’échec scolaire posait déjà problème, des enseignants furent conscients des insuffisances du cours magistral obligeant tous les élèves d’une classe à travailler au même instant sur le sujet imposé, sans qu’on tienne compte ni de leur rythme individuel, ni de leurs intérêts personnels qui auraient pu stimuler leur enthousiasme au travail.

D’autre part, le cloisonnement par disciplines étanches, traitées dans des manuels distincts, ne permettait pas de tisser des liens divers entre toutes les connaissances et de susciter un élan imprévu vers d’autres aspects du sujet, non seulement le comment, le pourquoi, le combien, mais aussi le regard sur ce qu’il en était autrefois ou actuellement ailleurs, ainsi que les traces dans notre langage, parfois imagé, et même des ouvertures vers certaines œuvres littéraires ou artistiques.

Ces enseignants qui voulaient moderniser l’école imaginèrent de créer coopérativement des fiches documentaires sur papier que chaque enfant pouvait étudier à son gré. Certaines apportaient une information, généralement illustrée, d’autres une incitation à l’observation ou à l’expérimentation (ne présentant aucun danger), enfin certaines signalaient diverses pistes de prolongement du sujet. Parmi ces fiches diverses, étalées sur une table, les enfants choisissaient, s’échangeaient les documents et, lors de la mise en commun de ce qu’ils avaient appris, ils retenaient avec enthousiasme beaucoup plus de connaissances qu’après un bon cours magistral.

Des enfants qui choisissent des livres de la petite bibliothèque de leur école près de La Forge dans le Missouri aux États-unis.
Le coin bibliothèque d’une classe.
(Russell Lee, domaine public)

Cette documentation était alimentée par les apports de nombreuses classes, grâce à des enquêtes, des recherches multiples. Par exemple, un enfant racontant le va-et-vient des hirondelles dans leur nid, construit sous le rebord de son grenier, suscitait l’envie des autres, selon leur goût et sans obligation systématique, de rechercher à quoi sert ce nid et comment la couvée permet l’éclosion des oisillons, de comparer les nids de divers oiseaux, leurs différentes façons de se nourrir, de se questionner sur les migrations des hirondelles et d’autres oiseaux, de demander à des amis alsaciens de parler des cigognes, d’étudier si les oiseaux sont les seuls à se reproduire en pondant des œufs, etc. Aux fiches déjà existantes s’ajoutaient parfois de nouvelles, issues de ces recherches.

Autre exemple: sur l’éléphant avaient été créées de multiples fiches, d’origines diverses, proposant sa description, les chiffres de sa taille, de son poids, mais aussi de son alimentation, l’usage de sa trompe, ses défenses (y compris l’utilisation de l’ivoire), sa vie en groupe dans la brousse, sa domestication comme bête de somme en Asie et même son utilisation pour la guerre par Hannibal (avec un extrait de Salammbô de Gustave Flaubert). On connaissait moins bien qu’aujourd’hui son cousin le mammouth et on ignorait encore les ravages du braconnage mettant en péril son espèce africaine.
L’utilisation de cette documentation était simple, à condition de veiller au classement et au rangement rigoureux après usage. Le principal problème pour obtenir une large collection se trouvait sur le plan de l’édition et de la mise à jour de certaines fiches. Ce qui amena à abandonner les fiches documentaires pour se limiter à une bibliothèque de travail, formée de brochures dont la gestion était alors plus facile, mais fut confrontée bien plus tard aux difficultés générales de l’édition.

L’informatique permet maintenant de classer et de retrouver de nombreux documents, mais ne résout pas magiquement tous les problèmes. Devant le déferlement permanent d’images et d’informations, parfois douteuses, les jeunes ont besoin de repères et de réponses à leurs questionnements auxquels les programmes scolaires n’apportent pas toujours de réponse non rébarbative. D’où l’importance d’une encyclopédie gratuite en ligne que l’on puisse consulter librement, en allant d’un article à l’autre sans avoir à manipuler plusieurs volumes imprimés.

Un garçon devant son ordinateur
Un garçon devant son ordinateur.
(Marisa Ravn, CC-BY-SA)

C’est ce qu’apporte avec succès Vikidia, l’encyclopédie des 8-13 ans. Cette tranche d’âges correspond au début de la maîtrise du raisonnement et de la lecture et s’arrête au seuil de l’adolescence qui a d’autres besoins et dispose d’autres moyens documentaires. Néanmoins le refus d’infantiliser le jeune lecteur permet à Vikidia d’être utilisable par toute personne, quel que soit son âge, désireuse de trouver des explications simples sur un sujet qu’elle ne connaît pas encore.
Il ne s’agit pas seulement de répondre par une simple définition, mais de proposer des pistes différentes, étroitement reliées au sujet, sans rester cloisonné dans une discipline scolaire, car les liens sont évidents, par exemple, entre l’abeille (insecte), le miel (aliment), l’apiculture (élevage), la pollinisation (botanique), le danger de certains pesticides (écologie). Et toutes ces ouvertures sont faciles à trouver en cliquant sur l’un des chapitres du sujet ou sur un lien interne.
Dans l’esprit wiki, chacun peut apporter ses contributions, y compris les jeunes qui peuvent poser des questions et proposer, si possible en groupe, le résultat de leurs recherches et enquêtes sur le sujet qui les intéresse. Le tout étant revu par des adultes compétents connaissant bien les besoins et les capacités des 8-13 ans pour réaliser une encyclopédie qui leur corresponde vraiment.

 

C’est ce que réussit Vikidia depuis plus de 3 ans et cela mérite d’être largement connu et reconnu de tous ceux qui s’intéressent à l’éducation.


Texte de Michel Barré.

Michel Barré est un enseignant à la retraite, il a pris part au mouvement de la pédagogie Freinet et est l’auteur du livre L’aventure documentaire disponible en ligne sur son site.

Vikidia est un projet qui ne dépend pas de la Wikimedia Foundation.

Top