
Le 9 janvier 2025, Wikimedia France a célébré le domaine public et a participé à la journée européenne du domaine public à Bruxelles pour évoquer les problématiques liées au respect du domaine public et célébrer l’arrivée de nouvelles œuvres en son sein.
La journée européenne du domaine public
Cette année, la journée européenne du domaine public était co-organisée par plusieurs partenaires tels que Europeana Copyright Working Group, COMMUNIA, Europeana, Creative Commons, Wikimedia Europe, Meemoo, la Bibliothèque Royale de Belgique et Wikimedia Belgium. L’objectif de cet évènement était de partager l’importance du domaine public dans l’écosystème des communs, y compris à des fins commerciales par l’ensemble des citoyens et citoyennes. Cette journée est hybride et les interventions du parcours international sont enregistrées
Cet évènement se compose de plusieurs parcours de conférences :
- une piste belge qui retrace les efforts nationaux des institutions et des professionnels pour offrir un accès aux œuvres du domaine public,
- une piste internationale pour partager les questions politiques et légales, ainsi que les initiatives et efforts des professionnels et professionnelles pour ouvrir les collections, faire rayonner leurs œuvres au delà des murs géographiques et célébrer l’utilisation, la réutilisation et les modifications des œuvres par l’ensemble des citoyens et citoyennes.
Cette journée est hybride et les interventions du parcours international sont disponibles en ligne.
Cette année, la conférencière d’honneur était Séverine Dusollier, professeure des Universités, Membre de l’Institut Universitaire de France, Science Po. Elle a offert à l’ensemble des participants une rétrospective des œuvres qui sont désormais dans le domaine public en 2025 comme Colette, Virginia Woolf, Jeanne Forain, Claude Cahun, Henri Matisse, Clara Westhoff Rilke, Charles Ives, Hella Wuolijoki, Dziga Vertov, Louise Hervieu, Auguste perret, Alain Locke, Robert Capa, Frida Kahlo, Stig Dagerman, Flor Alpaerts, Anto Carte ou encore Victor Rousseau.
Le cas de Frida Kahlo
Au-delà de l’identification des nouvelles ressources dans les communs numériques, Séverine Dusollier, a également les problématiques légales et géographiques auxquelles le domaine public faisait face aujourd’hui. L’exemple de Frida Kahlo est sans doute le plus frappant. Originaire du Mexique, l’œuvre de Frida Kahlo est limitée par l’une des lois les plus corrosives du domaine public. La protection du droit d’auteur au Mexique est étendue à 100 ans après la mort de l’autrice. En Europe, ce monopole d’utilisation des droits par les ayant-droits est aujourd’hui limité à 70 ans après la mort de l’autrice, et cela malgré le fait que la Convention de Berne rappelle la nécessité de la protection des œuvres jusqu’à 50 ans après leur mort.
Dans le cas de Frida Kahlo, il est intéressant de noter que son œuvre est donc officiellement techniquement accessible dans le domaine public dans de nombreux pays, comme en Europe, mais pas au Mexique, ce qui rend donc son œuvre toujours inutilisable, réutilisable et non-modifiable pour l’ensemble des citoyens et citoyennes de son pays.
Quoi qu’il en soit, la journée européenne du domaine public à aussi été l’occasion de mettre en valeur de nombreuses initiatives pour continuer sur le chemin du respect du domaine public comme biens communs à la fois, analogue et numérique.
La Charte du Domaine Public d’Europeana
L’organisation Europeana a notamment lancé officiellement la mise à jour de sa Charte sur le Domaine Public, qui vise “à encourager les institutions du patrimoine culturel qui partagent leurs données avec Europeana à maintenir le statut de domaine public du patrimoine culturel dans le domaine numérique, en particulier dans Europeana.eu, et à veiller à ce que le patrimoine culturel puisse être réutilisé aussi largement que possible. Depuis lors, elle a servi de déclaration de principe non contraignante pour l’initiative Europeana, qui contribue à garantir le plus grand nombre possible de possibilités de réutilisation pour le matériel relevant du domaine public.”
Le lancement de DBCommons, un registre pour les oeuvres du domaine public
Récemment lancée et financée par la Commission européenne, le projet DB Commons vise à créer un prototype de registre des œuvres du domaine public et des œuvres sous licence libre. Le projet est porté par Open Future Foundation, Liccium, la Fondation Europeana, Wikimedia Sverige et l’Institute for Information Law pour donner vie à cette vision.
Le registre CommonsDB permettra aux utilisateurs de vérifier le statut des droits des contenus provenant de sources multiples. Il sera construit à l’aide de technologies et de normes existantes, consolidant les codes ISCC, les métadonnées sur les droits et les informations d’identification vérifiables pour rendre les informations du registre disponibles par l’intermédiaire d’API publiques.
Le domaine public, un bien commun essentiel
Le domaine public est une partie essentielle de l’écosystème des communs numériques car il permet de pouvoir mettre des œuvres en accès libre, gratuitement, y compris à des fins commerciales, pour tous et toutes, lorsque les droits sont épuisés. L’importance de cette action est liée à l’influence des créations intellectuelles et artistiques sur les nouvelles générations, mais aussi sur la capacité humaine de construire de nouveaux savoirs à partir des informations existantes.
C’est pourquoi, il est crucial de permettre aux membres de nos communautés, de nos sociétés, aux chercheurs et chercheuses, aux étudiants, aux artistes, aux créatrices, aux personnes de tout âge, et conditions, sans discriminations, de bénéficier des informations nécessaires à l’élaboration de sa propre pensée, et de construire son propre avis éclairé. Construire sa propre pensée en partant du travail des personnes avant nous, c’est nous aussi être sur les épaules des géants.
Alors que nous faisons face aujourd’hui à des tentatives de campagnes de désinformation massives, notre force se situe aussi dans les informations qui sont aujourd’hui préservées et protégées par nos institutions publiques. Mais préserver n’est pas suffisant, avoir accès est crucial.
Continuons à célébrer le domaine public
Nous continuons à encourager tous les professionnels et professionnelles à écrire des articles sur leurs collections dans le domaine public toute l’année, à la fois pour célébrer les œuvres qui viennent d’arriver, mais aussi pour préparer celles qui arrivent en 2026. Nous remercions donc toutes les institutions et leurs équipes et bénévoles, les Wikimédiens et Wikimédiennes, qui font un travail à la fois minutieux et gigantesque pour mettre en lumière leurs collections, partager leurs savoirs, permettre aux communautés d’utiliser et réutiliser les œuvres du domaine public.
Retrouvez toutes les interventions grâce aux enregistrements en ligne (en anglais)
Toutes les vidéos peuvent être retrouvées en ligne sur Viméo.
- Leander Nielbock (COMMUNIA) – L’accès aux documents du secteur public et aux discours.
- Brigitte Vézina (Creative Commons) – Initiative TAROCH
- Harrie Temminck (European Union Intellectual Property Office) – Lancement du Copyright Learning Center.
- Merete Sanderhoff (Staten Museums voor Kunst, Danemark) et Jon Beck – Numérisation des œuvres 3D dans les collections du SMK.
- Daffydd Tudur (Bibliothèque Nationale du Pays de Galles, UK) – Retour d’expérience et bonnes pratiques pour ouvrir ses collections.
- NivoPol (Le Deuxième Texte) – Les femmes autrices oubliées dans le domaine public.
- Wikimedia France – Le Label Culture Libre.
En savoir plus
>> Lire le manifeste du Domaine Public de COMMUNIA.
>> Lire le blog de COMMUNIA.
>> Voir les vidéos de la journée

Camille Françoise
Co-organisatrice de la journée Européenne du Domaine Public, Membre de COMMUNIA, conseillère du Réseau d’Europeana et membre du conseil d’administration de Wikimédia France